Dans l’imaginaire collectif, le taureau est considéré comme un animal impulsif, fougueux et même diabolique. Cette perception est largement influencée par des traditions ancestrales comme la corrida, où un homme agite une cape rouge pour provoquer l’animal avant de le combattre. Cependant, les recherches scientifiques contredisent cette croyance populaire. Le taureau n’est pas réellement attiré par la couleur rouge. C’est plutôt le mouvement du tissu qui attire son attention et déclenche sa charge.

La vision des taureaux et des mammifères

Pour comprendre pourquoi le taureau n’est pas attiré par le rouge, il faut d’abord examiner sa vision et celle des mammifères en général. L’œil des vertébrés, y compris les mammifères, est doté d’une rétine composée de deux types de cellules photosensibles : les bâtonnets et les cônes. Les bâtonnets sont sensibles à la lumière et permettent la vision nocturne, tandis que les cônes sont responsables de la perception des couleurs.

Les mammifères possèdent généralement deux types de cônes, ce qui leur confère une vision dichromatique. Cela signifie qu’ils ne perçoivent que deux couleurs de base, généralement le bleu et le vert. Les humains, quant à eux, ont une vision trichromatique grâce à trois types de cônes, ce qui leur permet de distinguer une gamme de couleurs plus étendue, y compris le rouge.

Les taureaux, comme la plupart des mammifères, ont une vision dichromatique. Leur rétine contient peu de cônes et une majorité de bâtonnets, ce qui leur confère une excellente vision nocturne et une perception des mouvements, mais une capacité limitée à distinguer les couleurs. Selon certaines études, ils peuvent percevoir le rouge, le jaune, le vert et le bleu clair, mais leur vision des couleurs reste floue et imprécise.

Le mouvement, pas la couleur, attire le taureau

Pendant une corrida, le taureau n’est pas tant excité par la couleur rouge de la cape (appelée « muleta ») que par les mouvements du matador qui l’agite. Les taureaux sont particulièrement sensibles aux mouvements, grâce à leurs bâtonnets spécialisés dans la détection des contrastes. Lorsque le matador fait virevolter la muleta, ces mouvements attirent l’attention du taureau et déclenchent son instinct de charge.

Cette théorie a été confirmée par plusieurs expériences. En 2007, l’émission MythBusters de Discovery Channel a réalisé un test avec un taureau. Ils ont installé dans son enclos trois drapeaux de couleurs différentes (bleu, blanc et rouge), mais le taureau a chargé sur les trois sans distinction de couleur. Cependant, lorsqu’une personne immobile vêtue de rouge est entrée dans l’enclos, le taureau n’a pas réagi. C’est seulement lorsque deux autres personnes en mouvement l’ont rejointe que le taureau a chargé, indépendamment de leur couleur vestimentaire.

De plus, la muleta n’était pas toujours rouge à l’origine. Les premières capes utilisées dans la tauromachie étaient blanches, en lin, chanvre ou coton. La couleur rouge s’est imposée par la suite pour une raison pratique : masquer les traces de sang de l’animal blessé pendant le combat.

Le symbolisme du taureau à travers les âges

Bien que le taureau ne soit pas réellement attiré par le rouge, cette couleur est devenue indissociable de l’animal dans l’imaginaire collectif. Cela s’explique par le symbolisme fort qui entoure le taureau depuis l’Antiquité.

Dans les mythologies grecque et romaine, le taureau était associé à la puissance, la force et la fécondité. On le retrouve dans des légendes comme celle d’Hercule affrontant le taureau de Crète ou dans la figure du Minotaure, créature mi-homme mi-taureau se repaissant de chair humaine.

Au Moyen Âge, la chrétienté a contribué à déprécier l’image du taureau en en faisant un être diabolique, symbole de la vigueur sexuelle jugée excessive. Les bestiaires médiévaux décrivaient le taureau comme un animal infernal, dont les testicules séchés et pilés étaient censés favoriser la vigueur masculine lorsqu’ils étaient mélangés à de l’eau et du miel.

Pourtant, le taureau a aussi été valorisé pour son utilité. Castré et devenu bœuf, il était paré de toutes les vertus : patient, travailleur, obéissant et utile. Dans les représentations de la Nativité à la fin du Moyen Âge, le bœuf veillait sur le nouveau-né et le réchauffait de son souffle.

Aujourd’hui, le taureau reste un symbole fort, incarnant la puissance brute et la fougue incontrôlable. Son association avec le rouge perpétue cette image d’un animal impulsif et potentiellement dangereux, bien que la réalité soit plus nuancée.

Les corridas : une tradition controversée

La corrida, tradition espagnole et portugaise qui a traversé les siècles, cristallise les controverses autour du traitement des taureaux. Bien que défendue par certains comme un art et un patrimoine culturel, elle est dénoncée par d’autres comme un acte de cruauté envers les animaux.

Pendant une corrida, le taureau est successivement harcelé, blessé et finalement tué par le matador après plusieurs phases de combat. L’utilisation de la muleta rouge n’est qu’une étape de ce spectacle sanglant, où l’animal agonise parfois pendant des heures sous les acclamations du public.

En France, la corrida est considérée comme un acte de cruauté selon le Code pénal, mais elle bénéficie d’une exception culturelle dans certaines régions du sud. Des propositions de loi visant à l’interdire refont surface régulièrement, mais se heurtent à la défense de cette tradition par ses partisans.

Au-delà des débats éthiques, il est important de dissiper les idées reçues qui entourent cette pratique. Le taureau n’est pas réellement attiré par le rouge, mais par les mouvements de la cape agitée par le matador. Cela ne rend pas la corrida moins cruelle, mais permet d’éclairer les motivations réelles de l’animal dans cette confrontation inégale.

Conclusion

En résumé, contrairement à la croyance populaire, les taureaux ne sont pas attirés par la couleur rouge. Leur vision dichromatique les empêche de distinguer nettement cette couleur. C’est plutôt le mouvement du tissu agité par le matador qui attire leur attention et déclenche leur instinct de charge.

Cette réalité scientifique ne change pas fondamentalement le débat autour des corridas, qui demeurent une pratique controversée pour de nombreux défenseurs des droits des animaux. Cependant, elle permet de mieux comprendre le comportement du taureau et de dissiper certaines idées reçues tenaces.

Au-delà des traditions culturelles, il est important de considérer les avancées de la science et de remettre en question certaines croyances ancrées dans l’imaginaire collectif. Seule une compréhension objective des animaux peut permettre de repenser notre relation avec eux et d’évoluer vers un traitement plus éthique et respectueux.

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