Le film « Tu ne tueras point » de Mel Gibson, sorti en 2016, a mis en lumière l’histoire extraordinaire de Desmond Doss. Cet homme, premier objecteur de conscience à recevoir la Medal of Honor, a sauvé 75 soldats lors de la bataille d’Okinawa pendant la Seconde Guerre mondiale, sans jamais porter d’arme. Son parcours est un véritable exemple de courage, de détermination et de foi.
L’incroyable destin de Desmond Doss, le héros de « Tu ne tueras point »
Un homme guidé par sa foi et ses convictions
Desmond Doss est né le 7 février 1919 à Lynchburg, en Virginie. Fils d’un vétéran de la Première Guerre mondiale, il grandit dans une famille adventiste du septième jour. Sa foi est au cœur de sa vie et guide chacun de ses actes. Il prend très au sérieux le commandement « Tu ne tueras point » et refuse catégoriquement l’usage de la violence.
Pourtant, lorsque les États-Unis entrent en guerre après l’attaque de Pearl Harbor en décembre 1941, Desmond Doss veut servir son pays. Il s’engage donc volontairement dans l’armée en avril 1942, mais en tant qu’objecteur de conscience. Un statut très mal compris et accepté à l’époque.
Son refus de porter une arme ou même d’en toucher une pendant l’entraînement lui attire les foudres de ses camarades et de sa hiérarchie. Doss subit brimades, intimidations et menaces, mais il reste inflexible. Il veut servir comme infirmier non-combattant. Après de multiples épreuves, dont un passage en cour martiale dont il sort blanchi, il obtient gain de cause.
Un héros humble et courageux dans l’enfer d’Okinawa
En mai 1945, Desmond Doss débarque sur l’île d’Okinawa avec le 307ème régiment d’infanterie de la 77ème division. Les combats pour prendre l’escarpement d’Hacksaw Ridge sont d’une violence inouïe. Sous le feu ennemi, de nombreux soldats américains tombent.
Fidèle à son engagement, Doss se lance à leur secours, sans arme, uniquement équipé de sa trousse médicale. Bravant les balles et les obus, il ramène les blessés un par un jusqu’au bord de la falaise pour les mettre à l’abri et permettre leur évacuation.
Inlassablement, pendant une nuit entière, il répète « Seigneur, aide-moi à en sauver encore un ». Son courage et son abnégation suscitent l’admiration de ceux qui le prenaient pour un lâche quelques semaines plus tôt. Les Japonais l’ont aussi remarqué, et tentent d’abattre cet homme qui brave seul leur feu pour secourir ses camarades.
Desmond Doss sort vivant de cet enfer, mais grièvement blessé aux jambes par un éclat de grenade. Il apprend avec stupeur qu’il a sauvé 75 de ses frères d’armes. Un exploit salué par la nation entière. Il est décoré de la Medal of Honor, la plus haute distinction militaire américaine, par le président Truman en octobre 1945.
L’homme derrière la légende
Le prix de ce dévouement sera lourd pour Doss. Ses blessures et la tuberculose contractée pendant la guerre laisseront de lourdes séquelles, dont la perte d’un poumon et d’une partie de l’audition.
Malgré cela, il n’exprimera jamais de regrets, estimant avoir accompli son devoir. Après la guerre, il fondera un foyer et travaillera entièrement bénévolement pour son église.
Longtemps, Desmond Doss a refusé que son histoire soit portée à l’écran. Il ne voulait pas que son combat non-violent serve à promouvoir la guerre au cinéma. Ce n’est qu’à la fin de sa vie qu’il donnera son accord, pour que son message de paix soit transmis. Il s’éteint le 23 mars 2006, à 87 ans.
Le réalisateur Mel Gibson signe avec « Tu ne tueras point » un hommage poignant à ce héros humble qui force le respect. Sa foi chevillée au corps, Desmond Doss a prouvé qu’on pouvait accomplir de grandes choses sans pour autant renier ses convictions. Son histoire est une formidable leçon de courage, d’humanité et d’amour en temps de guerre.
Comment Desmond Doss a-t-il pu concilier ses convictions et son engagement militaire ?
La singularité de Desmond Doss est d’avoir réussi à servir au sein de l’armée américaine en restant fidèle à ses convictions pacifistes et religieuses. Un véritable défi à une époque où la notion d’objection de conscience était vue comme une lâcheté, voire une trahison.
Le refus de porter une arme : un combat de tous les instants
Quand Desmond Doss s’engage en avril 1942, sa demande de servir comme infirmier non-combattant se heurte à une réticence quasi-unanime. L’armée ne sait pas comment gérer ce soldat qui refuse obstinément ne serait-ce que de toucher une arme, même pour l’entraînement.
Doss subit alors un véritable calvaire :
Il est traité de lâche et de planqué par ses camarades
Ses supérieurs le menacent de court martiale pour refus d’obéissance
On tente de le faire passer pour fou afin de le réformer
Mais le jeune homme ne cède pas. Il explique qu’il veut aider son prochain et sauver des vies, pas en prendre. Il propose un compromis : servir sans arme au plus près du front, là où les infirmiers ont le plus besoin de bras.
Sa détermination et l’intervention de son père, vétéran médaillé de la Première Guerre mondiale, finiront par payer. Après plusieurs mois de bras de fer, Doss est finalement accepté comme infirmier de combat, sans obligation de maniement d’armes. Une première victoire pour celui qui souhaite mener son propre combat au sein de l’armée.
Un « coopérateur de conscience » animé par sa foi
Desmond Doss refuse l’appellation d’objecteur de conscience. Pour lui, elle implique un rejet complet de l’engagement militaire et du devoir de défense de son pays. Il se définit plutôt comme un « coopérateur de conscience », c’est-à-dire un soldat qui sert sans tuer.
Cette nuance est importante, car elle révèle sa volonté de compromis. Doss ne cherche pas à échapper à la guerre, mais à y prendre part à sa manière, guidé par sa foi. Les paroles du Christ et les 10 commandements, en particulier « Tu ne tueras point », sont sa boussole.
En choisissant d’être infirmier en première ligne, sans jamais utiliser d’arme, y compris pour se défendre, il prouve que son engagement n’est en rien contradictoire avec ses convictions. C’est d’ailleurs cette foi inébranlable qui lui donnera la force de braver le feu ennemi à Okinawa pour sauver ses camarades.
La reconnaissance ultime de l’armée : la Medal of Honor
L’exploit de Desmond Doss sur Hacksaw Ridge a marqué les esprits. Au sein de son régiment, il gagne le respect de ceux qui le considéraient comme un poids mort. Les soldats qui lui doivent la vie deviennent ses plus fervents défenseurs.
Cette reconnaissance se concrétise lorsque Doss est nommé pour recevoir la Medal of Honor en 1945. Cette décoration est habituellement décernée pour des actes de bravoure « au-dessus et au-delà du devoir », le plus souvent en combat. Mais pour la première fois, elle récompense un soldat ayant agi sans arme.
Pour l’institution militaire, c’est un changement de paradigme. L’héroïsme ne se mesure plus seulement en ennemis tués, mais aussi en vies sauvées. En décorant Desmond Doss, l’armée admet qu’un autre type d’engagement est possible.
Aujourd’hui encore, il reste le seul objecteur de conscience récipiendaire de la Medal of Honor pour la Seconde Guerre mondiale. Par son courage et son abnégation, il a prouvé qu’on pouvait servir avec honneur sans transiger avec ses convictions. Sa foi a été le moteur de son engagement, et non un obstacle.
Comment l’histoire de Desmond Doss a-t-elle été adaptée au cinéma ?
Avant que Mel Gibson ne porte son histoire à l’écran dans « Tu ne tueras point », Desmond Doss a longtemps refusé les propositions d’adaptation cinématographique. Il craignait que son expérience ne soit dénaturée ou utilisée pour glorifier la guerre.
La genèse difficile du projet
Dès les années 1950, le célèbre producteur Hal B. Wallis avait approché Doss pour acquérir les droits de son histoire, avec l’idée d’en faire un film avec Audie Murphy, héros le plus décoré de la Seconde Guerre mondiale. Mais Desmond Doss décline, ne voulant pas que son combat pacifiste serve à promouvoir la guerre au cinéma.
Il faudra attendre 2001 et le travail de persuasion du scénariste Gregory Crosby pour que Doss accepte enfin de voir sa vie adaptée. Crosby, avec l’aide de l’église adventiste, le convainc que son message de paix et de foi mérite d’être partagé au plus grand nombre.
Malgré cela, le projet passe de mains en mains pendant des années, sans jamais se concrétiser. Même Desmond Doss, pourtant réticent au départ, s’impatiente. Peu avant sa mort en 2006, il confie son souhait de voir le film se faire pour que son histoire ne tombe pas dans l’oubli.
Mel Gibson, un réalisateur idéal pour porter ce récit
C’est finalement Mel Gibson qui est choisi pour donner vie à ce destin hors norme. Pour le producteur Bill Mechanic, il est le réalisateur parfait pour mettre en scène ce récit de foi et de courage au milieu de la violence de la guerre.
Gibson, fervent catholique, n’a jamais caché sa fascination pour les parcours spirituels et les destins christiques, comme le montre son film « La Passion du Christ ». Avec Doss, il trouve une figure messianique idéale : un homme prêt à tout sacrifier, y compris sa vie, par amour et par foi.
Mais au-delà de la dimension religieuse, c’est aussi la possibilité de filmer la guerre de manière crue et réaliste qui séduit Gibson. Lui-même marqué par les récits de son père, vétéran du Pacifique, il veut retranscrire l’enfer vécu par Doss et ses camarades sur Okinawa.
Pendant le tournage, il met un point d’honneur à privilégier les effets pratiques plutôt que les effets spéciaux numériques. Il invente même un nouveau type d’explosif, la « boîte à bombes », pour filmer au plus près la violence des combats. Son but : plonger le spectateur dans l’expérience de Doss, et rendre encore plus frappant son courage face à l’horreur.
Une adaptation fidèle et viscérale
« Tu ne tueras point » sort finalement en 2016, dix ans après la mort de Desmond Doss. Si certaines libertés sont prises par rapport à la réalité (comme la romance avec Dorothy ou la chronologie des événements), le film reste très fidèle à l’esprit et au parcours du héros.
Andrew Garfield prête ses traits à Doss, après s’être longuement imprégné du personnage. Il rencontre la famille de Desmond, visite sa maison d’enfance et les lieux où il a vécu. Sur le tournage, il conserve l’accent de son personnage même hors caméra et passe son temps libre à lire la Bible, pour mieux incarner sa foi.
Cette performance habitée, couplée à la mise en scène immersive de Gibson, permet au spectateur de s’identifier pleinement à Doss. On ressent chaque instant de son calvaire durant l’entraînement, puis chaque éclat de shrapnel, chaque cri de douleur sur le champ de bataille.
La violence frontale des scènes de combat n’a pas qu’une visée spectaculaire. Elle sert de contrepoint à l’humanité et à la résilience de Doss, qui puise dans sa foi la force de sauver des vies dans cet enfer.
En cela, le film remplit pleinement son objectif : rendre hommage au courage extraordinaire d’un homme ordinaire, tout en transmettant un message de paix et d’espoir. Un message universel et nécessaire, comme le prouve l’accueil critique et public du film.
Nommé dans 6 catégories aux Oscars, dont Meilleur film et Meilleur acteur, « Tu ne tueras point » connaît un large succès au box-office mondial. Plus important, il permet à l’histoire et aux valeurs de Desmond Doss de toucher une nouvelle génération. Pari réussi pour Mel Gibson et son équipe, qui ont su porter avec respect et justesse ce récit hors norme.