J’ai souvent entendu cette phrase qui semble résumer l’essentiel du matériel photo à un seul critère : le nombre de pixels. Comme si plus un appareil photo avait de mégapixels, meilleures seraient les photos. Mais est-ce vraiment si simple ? À force de pratiquer et d’échanger avec d’autres professionnels, je me suis rendu compte que cette assertion méritait d’être nuancée. Dans cet article, je vais explorer en profondeur cette affirmation et vous donner ma perspective d’expert sur le sujet.

Le pixel, unité de base de l’image numérique

Avant d’aller plus loin, il est important de rappeler ce qu’est un pixel et son rôle dans la formation d’une image numérique. Le terme « pixel » est une abréviation de l’anglais « picture element », qui signifie littéralement « élément d’image ». C’est l’unité de base, le plus petit composant constituant une image numérique, qu’elle soit une photo, une vidéo ou toute autre représentation graphique.

Un pixel est une minuscule surface carrée qui, selon sa couleur et son niveau de luminosité, contribue à former l’image dans son ensemble. Plus il y a de pixels, plus l’image peut contenir de détails et de nuances. C’est ce qui définit la résolution d’une image numérique, exprimée en mégapixels (millions de pixels) ou, pour les très hautes définitions, en gigapixels (milliards de pixels).

La quête du nombre de pixels

Depuis les débuts de la photographie numérique dans les années 1990, les fabricants d’appareils photo se sont lancés dans une course effrénée pour augmenter le nombre de pixels de leurs capteurs. Chaque nouvelle génération de produits se devait d’offrir toujours plus de mégapixels que la précédente, comme si cela garantissait automatiquement une meilleure qualité d’image.

Cette tendance s’explique par plusieurs facteurs. D’un point de vue marketing, un nombre élevé de mégapixels est un argument de vente facile à comprendre pour le grand public. Cela donne l’impression d’un produit plus performant et donc justifie son prix plus élevé. De plus, les progrès constants de la technologie des capteurs ont permis d’augmenter leur résolution sans trop d’impact négatif sur d’autres aspects comme le bruit numérique ou la sensibilité à la lumière.

Néanmoins, au fil des années, de nombreux photographes expérimentés ont remis en question cette obsession pour le nombre de pixels. Ils ont fait valoir que d’autres caractéristiques, comme la taille du capteur, la qualité des optiques ou le traitement des images, avaient au moins autant d’importance, voire plus, que la simple résolution.

La taille du capteur, un facteur clé

L’un des aspects les plus déterminants pour la qualité d’une image numérique est la taille du capteur. Plus celui-ci est grand, mieux il captera la lumière et restituera les détails et les nuances de couleurs. C’est ce qui explique la supériorité généralement reconnue des appareils photo reflex par rapport aux compacts ou aux smartphones, même lorsque ces derniers affichent des résolutions élevées en mégapixels.

Pour comprendre ce phénomène, il faut s’intéresser aux photosites, ces minuscules capteurs de lumière qui constituent le capteur. Leur taille est directement liée à celle du capteur. Sur un petit capteur, même avec beaucoup de mégapixels, les photosites seront forcément de très petite taille et moins performants en basse lumière ou pour restituer les nuances de couleurs.

Type de capteur Taille du capteur Exemple d’appareil photo
Compact 1/2,3″ (6,17 x 4,55 mm) Canon PowerShot G7 X Mark III
APS-C 22,3 x 14,9 mm Nikon D7500
Plein format 36 x 24 mm Sony Alpha 7R IV
Moyen format 44 x 33 mm Fujifilm GFX 50S

Ce tableau illustre les différentes tailles de capteurs utilisés dans les appareils photo, du plus petit (compact) au plus grand (moyen format). À titre d’exemple, le capteur plein format de 36 x 24 mm du Sony Alpha 7R IV est près de 50 fois plus grand en surface que celui du compact Canon PowerShot G7 X Mark III. Même avec une résolution de 20 mégapixels, ce dernier aura des photosites beaucoup plus petits et donc moins performants que ceux de 61 mégapixels du Sony, malgré une résolution inférieure.

L’importance de la qualité optique

Un autre élément crucial pour obtenir des images de qualité est l’optique utilisée. Un objectif de haute facture, avec des lentilles bien corrigées et traitées anti-reflets, permettra de tirer le meilleur parti du capteur, quelle que soit sa résolution. À l’inverse, un objectif de piètre qualité gâchera le potentiel d’un capteur, même très haut de gamme.

C’est particulièrement vrai lorsqu’on souhaite exploiter pleinement la résolution d’un capteur très défini, comme ceux de 45 mégapixels et plus. Les moindres défauts optiques, qu’il s’agisse de distorsion, d’aberrations chromatiques ou de manque de piqué, seront amplifiés et visibles dans l’image finale.

Les fabricants d’optiques haut de gamme comme Zeiss, Leica ou les marques d’appareils photo elles-mêmes (Canon L, Nikon Nikkor, Sony G Master, etc.) conçoivent des objectifs capables de restituer la pleine résolution des capteurs les plus définis, sans perte de qualité. Mais ces objectifs très performants ont généralement un coût élevé, qu’il faut prendre en compte dans le budget d’acquisition d’un système photo très haut de gamme.

Le traitement numérique, la clé de la qualité d’image

Enfin, un aspect souvent négligé mais pourtant essentiel pour la qualité d’une image numérique est le traitement appliqué aux données brutes captées par le capteur. Chaque fabricant développe ses propres algorithmes de traitement d’image, qui peuvent avoir un impact significatif sur le rendu final, en termes de netteté, de gestion du bruit numérique, de restitution des couleurs, etc.

Certains constructeurs, comme Sony ou Fujifilm, sont réputés pour leurs excellents traitements d’image, qui permettent d’exploiter au mieux le potentiel de leurs capteurs, même lorsque ceux-ci n’affichent pas les résolutions les plus élevées du marché. À l’inverse, d’autres marques peuvent parfois pâtir d’un traitement d’image moins performant, malgré des capteurs très définis.

Le traitement d’image intervient également lors de l’étape de développement des fichiers RAW, que ce soit dans un logiciel dédié comme Lightroom ou Capture One, ou directement dans l’appareil photo. Les réglages appliqués à ce stade, comme le niveau de débruitage ou de netteté, auront un impact direct sur le rendu final de l’image.

Le mythe des très hautes résolutions

Au vu de ces différents éléments, on comprend mieux pourquoi la simple augmentation du nombre de mégapixels ne garantit pas nécessairement une meilleure qualité d’image. Certains fabricants ont poussé cette course à la résolution à l’extrême, en proposant des capteurs de 100 mégapixels ou plus, comme le GFX 100 de Fujifilm ou le récent Alpha 1 de Sony.

Si ces résolutions stratosphériques peuvent se justifier pour certains usages très spécifiques, comme l’impression grand format ou la photographie d’architecture et de paysages urbains, elles sont loin d’être indispensables pour la plupart des photographes. Au-delà d’un certain seuil, qui se situe généralement autour de 50 mégapixels, les bénéfices en termes de qualité d’image deviennent marginaux, voire négligeables pour un œil humain.

De plus, ces très hautes résolutions impliquent des compromis significatifs en termes de performances, notamment pour la sensibilité en basse lumière, la rapidité d’acquisition (vitesse de prise de vue en rafale) ou encore l’autofocus. Elles nécessitent également des investissements conséquents en matière de stockage et de puissance de calcul pour le traitement des fichiers volumineux générés.

Le juste milieu pour un usage polyvalent

Pour un usage polyvalent en photographie, que ce soit en studio, en extérieur ou en reportage, la plupart des experts s’accordent à dire qu’une résolution comprise entre 24 et 36 mégapixels constitue un excellent compromis. C’est suffisant pour réaliser de très grands tirages de qualité, tout en conservant de bonnes performances globales en termes de sensibilité, de rapidité d’acquisition et de gestion du bruit numérique.

De nombreux appareils photo haut de gamme, comme le Nikon D850, le Canon EOS 5D Mark IV ou le Sony Alpha 7R IV, se situent dans cette fourchette de résolution. Associés à de bons objectifs et à un traitement d’image performant, ils offrent une qualité d’image remarquable, que ce soit pour un usage professionnel ou pour les photographes amateurs exigeants.

Bien entendu, pour certains usages très spécifiques comme la macro-photographie ou la photographie aérienne et satellitaire, des résolutions supérieures peuvent s’avérer utiles. Mais dans la plupart des cas, le nombre de mégapixels n’est qu’un critère parmi d’autres à prendre en compte lors du choix d’un appareil photo. D’autres facteurs, comme la taille du capteur, la qualité optique ou le traitement d’image, auront souvent un impact bien plus déterminant sur le résultat final.

La résolution, un critère secondaire pour les smartphones

Si nous nous penchons sur le cas des smartphones, la course aux mégapixels a longtemps été un argument marketing phare pour vanter les performances photo de ces appareils. Néanmoins, au fil des années, les fabricants ont pris conscience que la résolution n’était pas le seul facteur déterminant en matière de qualité d’image.

Aujourd’hui, la plupart des smartphones haut de gamme adoptent une approche plus subtile, en combinant des capteurs très définis (jusqu’à 108 mégapixels sur certains modèles) avec des techniques de pixel binning. Cette méthode consiste à regrouper les informations de plusieurs pixels adjacents pour former un « super pixel » plus performant, notamment en basse lumière.

Le résultat final est une image d’une résolution plus modeste, généralement autour de 12 mégapixels, mais offrant une bien meilleure qualité que si chaque pixel avait été utilisé individuellement. Les constructeurs se concentrent désormais davantage sur d’autres aspects, comme l’optimisation des traitements d’image, l’ajout de multiples optiques (grand-angle, téléobjectif, etc.) ou l’intégration de fonctions innovantes comme le mode nuit ou le flou d’arrière-plan artificiel.

L’impact de la résolution sur le stockage et le traitement des images

Au-delà de la simple qualité d’image, le nombre de mégapixels a également un impact non négligeable sur d’autres aspects pratiques de la photographie numérique, comme le stockage et le traitement des fichiers générés.

Plus la résolution d’une image est élevée, plus le fichier correspondant sera volumineux. Un fichier RAW de 24 mégapixels pèsera ainsi généralement autour de 30 Mo, contre 60 Mo ou plus pour un fichier de 45 mégapixels. Ces poids importants peuvent rapidement saturer les cartes mémoire et les disques durs, obligeant à investir dans des solutions de stockage plus coûteuses.

Le traitement de ces fichiers volumineux sur un ordinateur nécessite également davantage de puissance de calcul et de mémoire vive. Les opérations de développement des fichiers RAW, de retouche ou d’exportation pour l’impression seront plus lentes et plus gourmandes en ressources avec des fichiers de très haute résolution.

Enfin, la gestion et l’archivage à long terme de ces fichiers imposants peut s’avérer complexe, notamment pour les photographes professionnels qui accumulent des milliers, voire des dizaines de milliers d’images au fil des années. Des solutions de stockage en ligne ou de sauvegarde redondante sont souvent nécessaires, avec les coûts associés.

Le poids des fichiers en quelques chiffres

Résolution Poids d’un fichier RAW
24 mégapixels Environ 30 Mo
45 mégapixels Environ 60 Mo
100 mégapixels Environ 120 Mo

Ce tableau donne un aperçu du poids typique des fichiers RAW en fonction de la résolution de l’image. On constate que le poids double presque à chaque fois que la résolution est multipliée par deux.

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