Qui n’a jamais remarqué la différence de prix entre les coupes « homme » et « femme » affichées dans les vitrines des salons de coiffure ? Cette disparité tarifaire, souvent importante, soulève de nombreuses questions sur l’équité et les pratiques commerciales dans le secteur de la coiffure. Plongeons au cœur de cette problématique pour comprendre les raisons avancées par les professionnels, analyser les enjeux sociétaux sous-jacents et explorer les alternatives qui émergent pour tenter de rééquilibrer la balance.

La réalité des écarts de prix entre hommes et femmes

Avant d’analyser les causes de cette différence tarifaire, il est important de quantifier précisément l’ampleur du phénomène. Plusieurs études et enquêtes menées ces dernières années permettent d’avoir une vision claire de la situation.

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes

Une étude réalisée en 8 par l’association CLCV (Consommation, Logement et Cadre de Vie) auprès de 902 salons de coiffure français a mis en lumière des écarts significatifs :

  • Le forfait « shampoing + coupe + coiffage » coûte en moyenne 20,46€ pour les hommes
  • Le même forfait revient à 30,07€ en moyenne pour les femmes
  • Soit une différence de 46% pour une prestation théoriquement identique

Ces chiffres moyens masquent parfois des écarts encore plus importants selon les enseignes et les régions. Dans certains salons haut de gamme, la différence peut atteindre 50€ ou plus entre une coupe homme et une coupe femme de même longueur.

Un phénomène généralisé

Loin d’être anecdotique, cette différenciation tarifaire semble être la norme dans l’immense majorité des salons de coiffure. Un rapide coup d’œil aux grilles de prix affichées suffit à s’en convaincre :

Enseigne Coupe homme Coupe femme Différence
Jean Louis David 30€ 46€ +53%
Franck Provost 29€ 39€ +34%
Saint Algue 25€ 35€ +40%

Ces écarts se retrouvent à tous les niveaux de gamme, des salons low-cost aux établissements de luxe. Même pour des prestations basiques comme un simple shampoing, la différence peut aller du simple au double.

Les justifications avancées par la profession

Face aux critiques grandissantes sur cette pratique, les représentants du secteur de la coiffure mettent en avant plusieurs arguments pour expliquer – et tenter de justifier – ces différences tarifaires.

Une question de temps et de technicité

L’argument le plus fréquemment avancé est celui de la différence de temps et de technicité nécessaires pour réaliser une coupe femme par rapport à une coupe homme :

  • Les coupes féminines seraient généralement plus complexes et minutieuses
  • Elles nécessiteraient plus de précision et de créativité de la part du coiffeur
  • Le temps passé serait en moyenne plus long pour une cliente que pour un client masculin

Christophe Doré, président de l’Union nationale des entreprises de coiffure (UNEC), résume ainsi cette vision : « La technique dépend de chaque client, selon son implantation ou la difficulté de son cheveu à être coiffé. Si le coiffeur met dix minutes de plus à coiffer une femme aux cheveux courts, c’est normal de la faire payer plus cher. Le temps fait partie des choses que le coiffeur doit faire payer. »

Des prestations plus complètes

Un autre argument avancé est que les femmes bénéficieraient généralement de services plus complets que les hommes lors de leur passage chez le coiffeur :

  • Shampoing et soin du cuir chevelu plus poussés
  • Massage et temps de relaxation plus longs
  • Brushing et coiffage plus élaborés
  • Conseils personnalisés sur les produits et techniques d’entretien

Caroline Larissey, directrice générale de la National Hair & Beauty Federation britannique, explique : « Les femmes ont généralement droit à un shampoing, un après-shampoing, un traitement ainsi qu’à une coupe et un séchage, tandis que les hommes qui vont chez le coiffeur ont souvent les cheveux secs. »

Des investissements plus importants

Les représentants du secteur mettent également en avant les investissements spécifiques nécessaires pour répondre aux attentes de la clientèle féminine :

  • Equipements plus onéreux (sèche-cheveux professionnels, fers à lisser, etc.)
  • Gamme de produits plus large et coûteuse
  • Formation continue des coiffeurs sur les nouvelles techniques (balayage, extensions, etc.)

Selon l’UNEC, ces investissements justifieraient en partie la différence de tarification entre hommes et femmes.

Les limites de ces justifications

Si les arguments avancés par la profession peuvent sembler recevables à première vue, ils se heurtent à plusieurs limites qui remettent en question leur pertinence.

La question des cheveux courts

L’un des points les plus problématiques concerne le cas des femmes aux cheveux courts. En effet, comment justifier qu’une cliente avec une coupe très courte paie significativement plus cher qu’un homme pour une prestation similaire ?

Mathilde, 28 ans, témoigne : « J’ai les cheveux très courts depuis plus de 5 ans. Pourtant, dans la plupart des salons où je vais, on continue à m’appliquer le tarif femme standard, bien plus élevé que celui des hommes. C’est vraiment frustrant et injuste. »

Ce cas de figure met en lumière les limites de l’argument du temps et de la technicité. Si la coupe est identique, pourquoi la facturation ne le serait-elle pas ?

L’évolution des pratiques masculines

Un autre aspect qui remet en question les justifications traditionnelles est l’évolution des pratiques capillaires masculines. De plus en plus d’hommes adoptent des coupes longues ou élaborées, qui nécessitent autant de temps et de savoir-faire que certaines coupes féminines :

  • Coupes dégradées complexes
  • Coiffures structurées nécessitant l’usage de produits
  • Techniques de coloration (balayage, mèches, etc.)

Malgré cela, les tarifs masculins restent généralement inférieurs, même pour ces prestations plus poussées.

Le mythe de la finesse du geste

L’idée selon laquelle les coupes féminines nécessiteraient systématiquement plus de finesse et de technicité est également remise en question par certains professionnels.

Anouck, cofondatrice du salon non-genré Frange Radicale, explique : « On nous enseigne dès l’école de coiffure que les coupes féminines demandent plus de travail et de finesse. Mais c’est un mythe ! Ce n’est pas une question de genre, mais de type de coupe et de cheveux. »

Cette vision binaire homme/femme ne correspondrait donc plus à la réalité des pratiques actuelles.

Les enjeux sociétaux derrière la différence de prix

Au-delà des aspects purement techniques ou économiques, la question des tarifs genrés dans la coiffure soulève des enjeux sociétaux plus larges qu’il est important d’analyser.

La « taxe rose » dans le viseur

La différence de prix entre hommes et femmes chez le coiffeur s’inscrit dans un phénomène plus global, souvent qualifié de « taxe rose ». Ce terme désigne la tendance à facturer plus cher les produits et services destinés aux femmes, sans justification objective.

Quelques exemples frappants de la « taxe rose » :

Produit/Service Version « homme » Version « femme » Différence
Rasoir jetable (pack de 10) 4,99€ 6,49€ +30%
Déodorant roll-on 2,29€ 2,79€ +22%
T-shirt basique 9,99€ 12,99€ +30%

Selon une étude de la RTS, cette « taxe rose » représenterait un surcoût moyen de 100€ par mois pour les femmes, soit 1200€ par an.

Un héritage patriarcal ?

Pour certains observateurs, la différence de prix chez le coiffeur serait le reflet d’une vision dépassée des rôles de genre dans la société. L’idée sous-jacente serait que :

  • Les femmes accordent plus d’importance à leur apparence
  • Elles sont donc prêtes à payer plus cher pour leurs soins capillaires
  • Le soin de l’apparence est perçu comme une « obligation » féminine

Cette vision stéréotypée contribuerait à normaliser et à perpétuer la différence tarifaire, malgré son caractère discriminatoire.

Un frein à l’égalité économique

Au-delà de l’aspect symbolique, la « taxe rose » appliquée dans les salons de coiffure a des conséquences économiques concrètes pour les femmes :

  • Surcoût annuel estimé entre 100€ et 200€ pour une fréquentation moyenne
  • Impact cumulé sur le long terme pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros
  • Frein supplémentaire à l’égalité salariale entre hommes et femmes

Dans un contexte où les inégalités économiques entre les sexes restent importantes, ces surcoûts systématiques contribuent à creuser l’écart.

Les initiatives pour rééquilibrer la balance

Face à ces constats, de plus en plus de voix s’élèvent pour remettre en question le système de tarification genré dans la coiffure. Des initiatives émergent pour proposer des alternatives plus équitables.

Le mouvement des tarifs non-genrés

Certains salons de coiffure font le choix d’abandonner complètement la distinction homme/femme dans leurs grilles tarifaires. Ils optent pour une tarification basée uniquement sur :

  • La longueur des cheveux
  • Le temps passé pour la prestation
  • La complexité technique de la coupe ou du soin

C’est le cas par exemple du salon Hän à Rennes, qui propose trois tarifs (S, M, L) selon la longueur de la chevelure, sans distinction de genre.

L’exemple suisse

En Suisse, le mouvement du « genderless pricing » (tarification non-genrée) prend de l’ampleur. Des salons comme Mad Hairstyling à Zurich ont fait le choix d’une grille tarifaire unique :

Service Durée Prix
Coupe express 30 min 45 CHF
Coupe classique 45 min 65 CHF
Coupe créative 60 min 85 CHF

Cette approche permet de facturer équitablement les clients en fonction du service réellement fourni, sans discrimination liée au genre.

Les labels « coiffure inclusive »

Des initiatives émergent également pour promouvoir une approche plus inclusive de la coiffure, au-delà de la simple question tarifaire. Le Dresscode Project, fondé en 6, forme par exemple les coiffeurs à créer des environnements accueillants pour tous les genres :

    • Formation sur les enjeux LGBTQIA+
    • Adaptation du langage et des pratiques
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