Quand on entend parler de la trompette marine, on pourrait facilement penser qu’il s’agit d’un instrument à vent, peut-être utilisé dans la marine. Cependant, rien n’est plus éloigné de la vérité. La trompette marine est en réalité un instrument à cordes frottées, et c’est un véritable mystère qui entoure son nom trompeur.
Les origines de la trompette marine
Contrairement à ce que laisse penser son nom, la trompette marine n’a aucun lien avec la mer ou les cuivres. Son nom provient en fait d’une déformation de l’adjectif « marial », qui fait référence au culte catholique de la Vierge Marie. Cet instrument semble avoir été associé à ce culte, caractéristique des couvents de religieuses. D’ailleurs, la plupart des trompettes marines conservées proviennent de couvents, et en allemand, l’instrument porte plusieurs noms liés aux nonnes : « Nonnengeige » (violon de nonne), « Nonnentrompete » (trompette de nonne) ou « Marientrompete » (trompette de Marie).
Les origines de la trompette marine remontent au Moyen Âge, où elle était connue sous le nom de « monocorde ». C’était un instrument à une seule corde, dérivé du monocorde médiéval. Au XVIIe siècle, elle connut un engouement éphémère, devenant un instrument prisé dans les opéras baroques de l’époque pour colorer les airs.
La facture et le jeu de la trompette marine
La trompette marine est un instrument de taille humaine à corde frottée, généralement une seule corde. Sa caisse de résonance dépourvue de manche en fait une sorte de cithare. Le nombre de cordes pouvait cependant être étendu jusqu’à quatre, voire vingt-cinq cordes sympathiques à l’intérieur de la caisse.
Sa hauteur peut atteindre deux mètres. Sa caisse est comparable à celle d’une harpe, avec un manche dans le prolongement de la table d’harmonie. L’unique corde, frottée par un archet solide, repose sur un chevalet particulier. Ce dernier ne possède qu’un seul pied en pression sur la table d’harmonie, tandis que le second pied, légèrement détaché, se met à la percuter lorsque la corde vibre. Cet effet de percussion, similaire à la vielle à roue, est appelé « effet trompette », car la parenté de son avec la trompette est remarquable.
L’analogie avec la trompette ne s’arrête pas au timbre. La trompette marine est jouée sur les harmoniques naturelles de la corde, reprenant ainsi la gamme incomplète, parfois naturellement fausse, des trompettes naturelles de l’époque, dépourvues de pistons. La ressemblance saisissante avec la trompette naturelle explique le nom quelque peu déroutant de cet instrument à corde.
Le répertoire de la trompette marine
Outre un répertoire original et plutôt rare, la trompette marine était utilisée dans la musique de chambre baroque, et essentiellement pour colorer les airs d’opéras. Par exemple, on la retrouve dans l’Air pour les matelots jouant des trompettes marines dans Xerxès de Jean-Baptiste Lully.
Bien que Vivaldi ait fait appel à ses services pour son concerto Rv. 558, la trompette marine tomba peu à peu en désuétude au cours du XVIIIe siècle. J.S. Petri écrit en 1767 qu’elle n’était alors plus employée que « dans les couvents, là où ils n’ont pas de trompettes », comme un substitut.
Une curiosité du Grand Siècle
La trompette marine est un instrument fascinant, qui a traversé les âges en conservant un halo de mystère autour de son nom trompeur. Loin d’être un instrument à vent utilisé dans la marine, elle est en réalité une cithare à corde frottée, dont le son évoquait celui de la trompette naturelle de l’époque baroque.
Cet instrument singulier, prisé dans les couvents pour son association avec le culte marial, a connu son apogée entre 1640 et 1680. Son timbre unique, mêlant sons de trompette et percussions, a permis à la trompette marine de colorer les airs d’opéra baroques du XVIIe siècle.
Bien que tombée dans l’oubli après le XVIIIe siècle, la trompette marine reste une curiosité fascinante du Grand Siècle, témoignant de l’ingéniosité et de la créativité des facteurs d’instruments de cette époque.