De plus en plus de salariés peu scrupuleux n’hésitent pas à se procurer de faux arrêts maladie pour bénéficier de jours de congés supplémentaires tout en étant rémunérés. Cette fraude, en plus d’être illégale, représente un véritable fléau pour les entreprises. Elle entraîne des coûts importants en termes d’indemnités journalières versées indûment et perturbe l’organisation du travail.
En 2021, le préjudice dû aux falsifications d’arrêts de travail par les assurés a été estimé à 3,4 millions d’euros par la Sécurité sociale. Les entreprises sont donc de plus en plus vigilantes face à ce phénomène et cherchent des moyens de détecter les faux arrêts. En tant qu’employeur, il est important de savoir reconnaître les signes d’un arrêt maladie frauduleux pour pouvoir réagir de manière appropriée.
Il existe malheureusement de multiples façons peu recommandables de se procurer un faux arrêt de travail de nos jours. La plus répandue actuellement consiste à acheter de faux arrêts sur les réseaux sociaux, en particulier sur Snapchat. De nombreux comptes douteux proposent ce « service » sans vergogne.
Il suffit de taper « arrêt maladie » dans le moteur de recherche de Snapchat pour tomber sur des dizaines d’offres d’arrêts « signés et tamponnés par un vrai médecin », avec « dates au choix ». Les faussaires promettent un envoi par mail « sous 15 minutes » après paiement (entre 15 et 30€ généralement). Certains proposent même une remise en main propre pour les plus méfiants.
Concrètement, le fraudeur demande à son « client » de décliner son identité, son numéro de Sécurité sociale, la durée de l’arrêt souhaité et éventuellement le motif. Quelques minutes plus tard, il reçoit par mail un arrêt de travail en bonne et due forme, avec le tampon d’un véritable médecin. Le document est souvent tellement bien imité qu’il est difficile de faire la différence avec un vrai.
Comment les faussaires s’y prennent-ils ? Plusieurs techniques existent :
D’autres fraudeurs moins sophistiqués se contentent de falsifier grossièrement un arrêt existant, en modifiant les dates à la main ou en faisant une photocopie de mauvaise qualité.
Au-delà de l’achat de faux arrêts, certains salariés abusent des plateformes de téléconsultation pour obtenir un peu trop facilement des arrêts maladie. Depuis le développement de ces services pendant la crise sanitaire, les dérives se multiplient. Des arrêts seraient parfois délivrés sans raison valable après une rapide consultation en ligne.
Aussi bien pour le salarié indélicat que pour le médecin complice, utiliser un faux arrêt maladie est passible de lourdes sanctions.
Pour le salarié, il s’agit du délit de faux et usage de faux, puni par le Code pénal de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende (article 441-1). De plus, le salarié s’expose à :
Des sanctions disciplinaires de son employeur pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute
Le remboursement des indemnités journalières perçues à tort et d’éventuelles pénalités à la Sécurité sociale
Des dommages et intérêts à verser à son employeur s’il a subi un préjudice
Pour le médecin complice, en plus des sanctions pénales, il risque des sanctions ordinales pouvant aller jusqu’à la radiation par le Conseil de l’Ordre des médecins. S’il s’agit d’un imposteur se faisant passer pour un médecin, il encourt aussi des poursuites pour exercice illégal de la médecine.
En 2022, un habitant du Val d’Oise a ainsi été condamné à 1500€ d’amende pour avoir vendu de faux arrêts maladie sur les réseaux sociaux. Chez lui, les enquêteurs ont retrouvé un véritable stock de feuilles de soins vierges et autres documents officiels.
Pour l’employeur, les conséquences économiques et organisationnelles d’un faux arrêt maladie peuvent être importantes : paiement d’indemnités indues, désorganisation du travail, baisse de productivité, dégradation de l’ambiance… Sans compter le temps perdu pour effectuer les démarches de contrôle.
C’est pourquoi de plus en plus d’entreprises cherchent à responsabiliser leurs salariés sur ce sujet et mettent en place des procédures pour mieux détecter les fraudes.
Certains signes doivent mettre la puce à l’oreille lorsqu’on reçoit l’arrêt maladie d’un salarié. Voici quelques exemples de situations suspectes :
Si un ou plusieurs de ces signaux apparaissent, l’employeur a tout intérêt à vérifier la réalité de l’arrêt de travail. D’autant que les salariés qui fraudent ont souvent tendance à récidiver s’ils ne sont pas inquiétés.
Si vous avez un doute sur l’authenticité de l’arrêt maladie produit par votre salarié, plusieurs moyens de contrôle existent.
Dans un premier temps, vous pouvez joindre par téléphone le médecin ayant établi l’arrêt afin de lui demander de confirmer sa décision. S’il s’agit d’un faux arrêt, il vous indiquera qu’il n’en est pas l’auteur.
Vous pouvez aussi lui envoyer une copie du document pour qu’il vous confirme par écrit qu’il émane bien de lui. En cas de doute, il pourra vérifier dans le dossier médical de votre salarié.
Attention cependant à respecter le secret médical. Le médecin n’est pas autorisé à vous communiquer d’informations sur l’état de santé de votre salarié, seulement à attester qu’il est bien l’auteur de l’arrêt.
En parallèle, vous pouvez signaler le cas suspect à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) ou à la Mutualité Sociale Agricole (MSA) dont dépend votre salarié.
Ces organismes peuvent diligenter un contrôle administratif et médical pour vérifier que le salarié respecte bien les obligations de son arrêt (présence au domicile, état de santé justifiant l’arrêt).
Le médecin conseil de l’Assurance Maladie convoquera le salarié et contrôlera la réalité de son arrêt de travail.
S’il conclut que l’arrêt n’est pas médicalement justifié, il en informera la Caisse. Celle-ci pourra décider de suspendre les indemnités journalières du salarié et vous en informera pour que vous puissiez interrompre le versement du complément employeur.
S’il s’avère qu’il s’agit d’un faux arrêt, le médecin conseil pourra porter plainte au nom de la Sécurité sociale. Le salarié s’exposera alors à des sanctions comme vu précédemment. La Caisse se retournera contre lui pour obtenir le remboursement des sommes versées.
En Alsace-Moselle, l’employeur n’a cependant pas le droit de demander un contrôle. Cette possibilité n’existe que dans les autres départements français.
Si vous versez un complément de salaire à votre salarié en arrêt, vous pouvez également mandater directement un médecin contrôleur pour procéder à une contre-visite.
Ce médecin agréé se rendra au domicile de votre salarié de manière inopinée, aux heures de présence obligatoire, pour vérifier :
que le salarié est bien présent chez lui en dehors des heures de sortie autorisées
que son état de santé justifie un arrêt de travail
Si le salarié est absent ou refuse le contrôle, le médecin vous en informera et vous pourrez alors suspendre le versement des indemnités complémentaires (sauf si l’absence est justifiée par un RDV médical par exemple). C’est à vous d’apporter la preuve de l’absence ou du refus du salarié.
De même, si le médecin conclut dans son rapport que l’arrêt n’est pas justifié, vous pourrez interrompre les compléments de salaire et demander au salarié de reprendre le travail immédiatement.
Vous pouvez choisir le médecin contrôleur que vous souhaitez (médecin indépendant ou société spécialisée). Certaines fédérations patronales ont aussi leur propre service de contrôle.
Le salarié n’a pas à être prévenu à l’avance du contrôle et doit s’y soumettre. Il ne peut pas exiger la présence de son médecin traitant pendant la visite. Son refus constitue une faute.
Si le salarié conteste les conclusions du médecin contrôleur, il peut saisir le Conseil des Prud’hommes.
Vous avez aussi la possibilité de demander des documents complémentaires à votre salarié (compte-rendus d’examens médicaux, ordonnances…) pour étayer la prescription de l’arrêt de travail. Cela peut vous aider à lever le doute.
Pour résumer, voici les points essentiels à garder en tête en tant qu’employeur :
Les faux arrêts de travail sont une réalité, ils représentent un coût important pour les entreprises. Leur nombre a tendance à augmenter avec la facilité de s’en procurer en ligne.
Les salariés indélicats risquent gros (sanctions disciplinaires et pénales, remboursement des sommes perçues indûment). Les médecins complices aussi (radiation, amende, prison).
Plusieurs techniques existent pour obtenir un faux arrêt : achat sur les réseaux sociaux, falsification, abus des téléconsultations, vol de feuilles de soins, usurpation d’identité de médecin…
Certains indices doivent alerter l’employeur : dates d’arrêt « surprenantes », motif vague, incompatibilité avec la vie privée du salarié, prolongation abusive, document suspect, refus de contrôle…
3 moyens de vérification sont à la disposition de l’employeur qui a un doute : contacter le médecin prescripteur, signaler le cas à la Sécurité sociale, mandater un médecin contrôleur.
En cas de faux arrêt avéré, l’employeur peut suspendre les compléments de salaire. La Sécu et lui-même peuvent engager des poursuites contre le salarié (et le médecin complice).
Au final, la vigilance et la réactivité sont de mise pour les employeurs. Sans tomber dans une suspicion généralisée, il est important de garder un œil sur les arrêts maladie répétés et/ou prolongés d’un salarié.