Le trouble bipolaire est une maladie mentale complexe qui affecte des millions de personnes dans le monde. Pourtant, de nombreuses idées fausses persistent à son sujet, alimentant la stigmatisation et empêchant une prise en charge optimale. Cet article vise à déconstruire 7 idées reçues courantes sur le trouble bipolaire, afin de mieux comprendre cette pathologie et d’améliorer le soutien apporté aux personnes qui en souffrent.
Qu’est-ce que le trouble bipolaire ?
Avant d’aborder les idées reçues, il est important de définir clairement ce qu’est le trouble bipolaire :
Le trouble bipolaire, anciennement appelé psychose maniaco-dépressive, est une maladie psychiatrique chronique caractérisée par des variations anormales de l’humeur. Les personnes atteintes alternent entre des phases d’exaltation (épisodes maniaques ou hypomaniaques) et des phases de dépression, entrecoupées de périodes de stabilité.
Les principaux symptômes du trouble bipolaire sont :
- Des épisodes maniaques avec une humeur euphorique ou irritable, une hyperactivité, une réduction du besoin de sommeil, des idées de grandeur, etc.
- Des épisodes dépressifs avec une tristesse profonde, une perte d’intérêt, des troubles du sommeil et de l’appétit, des idées noires, etc.
- Des épisodes mixtes associant des symptômes maniaques et dépressifs
- Des périodes de stabilité entre les épisodes (euthymie)
Le trouble bipolaire touche environ 1 à 2% de la population générale. Il débute généralement entre 15 et 25 ans et nécessite un traitement au long cours.
Idée reçue n°1 : Le trouble bipolaire n’est qu’une série de sautes d’humeur ordinaires
C’est probablement l’une des idées reçues les plus répandues et les plus dommageables concernant le trouble bipolaire. Beaucoup pensent à tort qu’il s’agit simplement d’une tendance à avoir des « hauts et des bas » émotionnels comme tout le monde.
La réalité :
Le trouble bipolaire se caractérise par des changements d’humeur extrêmes et pathologiques qui vont bien au-delà des fluctuations normales de l’humeur. Ces variations sont :
- Intenses : les phases maniaques et dépressives sont très marquées
- Prolongées : elles durent plusieurs jours à plusieurs mois
- Handicapantes : elles perturbent fortement le fonctionnement social et professionnel
- Indépendantes des circonstances : elles surviennent sans raison apparente
Par exemple, lors d’un épisode maniaque, une personne bipolaire peut rester éveillée plusieurs jours d’affilée, avoir des idées de grandeur irréalistes, se lancer dans des projets démesurés ou faire des dépenses inconsidérées. À l’inverse, un épisode dépressif peut être si intense que la personne n’arrive plus à se lever de son lit pendant des semaines.
Il est crucial de comprendre que ces variations pathologiques de l’humeur ne sont pas sous le contrôle volontaire de la personne. Il s’agit d’une véritable maladie nécessitant une prise en charge médicale, et non d’un simple trait de caractère.
Idée reçue n°2 : Le trouble bipolaire ne touche que les femmes
Une autre idée fausse répandue est que le trouble bipolaire serait une maladie essentiellement féminine.
La réalité :
Le trouble bipolaire touche les hommes et les femmes dans des proportions quasiment égales. Les études épidémiologiques montrent que :
- La prévalence globale du trouble bipolaire est similaire chez les hommes et les femmes
- Le trouble bipolaire de type I (avec épisodes maniaques francs) toucherait même légèrement plus les hommes
- Le trouble bipolaire de type II (avec épisodes hypomaniaques) serait un peu plus fréquent chez les femmes
Les différences entre hommes et femmes concernent plutôt :
- L’âge de début : plus précoce chez les hommes en moyenne
- La présentation clinique : les femmes font plus d’épisodes dépressifs, les hommes plus d’épisodes maniaques
- Les comorbidités : plus d’abus de substances chez les hommes, plus de troubles anxieux chez les femmes
Il est important de combattre cette idée reçue car elle peut retarder le diagnostic chez les hommes, qui attribuent parfois à tort leurs symptômes à autre chose. Le trouble bipolaire peut toucher n’importe qui, indépendamment du sexe.
Idée reçue n°3 : Les personnes bipolaires sont toujours soit très heureuses, soit très tristes
On imagine souvent que les personnes atteintes de trouble bipolaire oscillent en permanence entre euphorie extrême et dépression profonde, sans état intermédiaire.
La réalité :
Cette vision caricaturale ne correspond pas à la réalité clinique du trouble bipolaire. En réalité :
- Les personnes bipolaires passent la majorité de leur temps dans un état d’humeur normal (euthymie)
- Les épisodes thymiques (maniaques ou dépressifs) sont espacés de périodes de stabilité plus ou moins longues
- L’humeur peut fluctuer de façon plus subtile entre les épisodes francs
- Certains patients présentent des formes atténuées avec des variations moins extrêmes (cyclothymie)
Par ailleurs, les épisodes maniaques ne se résument pas à un état de bonheur intense. Ils peuvent aussi se manifester par :
- De l’irritabilité et de l’agressivité
- Une agitation improductive et désagréable
- Des idées délirantes angoissantes
À l’inverse, les phases dépressives ne se limitent pas à une tristesse profonde. Elles peuvent inclure :
- Un émoussement affectif (absence d’émotions)
- De l’anxiété intense
- De l’irritabilité et de la colère
Il est important de comprendre la complexité et la diversité des manifestations du trouble bipolaire pour mieux accompagner les personnes qui en souffrent.
Idée reçue n°4 : Les personnes bipolaires ne peuvent pas avoir de vie normale
Cette idée reçue très répandue laisse penser que le trouble bipolaire condamne inévitablement à une vie chaotique et dysfonctionnelle.
La réalité :
Avec une prise en charge adaptée, de nombreuses personnes atteintes de trouble bipolaire mènent une vie épanouie et productive. Voici quelques éléments clés :
- Traitement efficace : les médicaments régulateurs de l’humeur permettent de stabiliser l’humeur sur le long terme
- Suivi médical régulier : un psychiatre ajuste le traitement et prévient les rechutes
- Psychoéducation : comprendre sa maladie aide à mieux la gérer au quotidien
- Hygiène de vie : sommeil régulier, activité physique, alimentation équilibrée sont essentiels
- Soutien de l’entourage : la compréhension des proches est précieuse
Avec ces éléments, de nombreux patients bipolaires arrivent à :
- Avoir une carrière professionnelle stable
- Fonder une famille
- Développer des relations sociales épanouissantes
- S’engager dans des projets personnels
Il est vrai que le trouble bipolaire reste une maladie chronique qui nécessite une vigilance constante. Mais avec un bon accompagnement, la qualité de vie peut être très satisfaisante. De nombreuses personnalités célèbres atteintes de trouble bipolaire ont d’ailleurs eu des carrières brillantes (artistes, scientifiques, hommes politiques…).
Idée reçue n°5 : Les femmes bipolaires ne peuvent pas avoir d’enfants
Cette idée fausse particulièrement dommageable laisse penser que le trouble bipolaire est incompatible avec la maternité.
La réalité :
Les femmes atteintes de trouble bipolaire peuvent tout à fait envisager une grossesse et devenir mères. Cependant, cela nécessite une préparation et un suivi particuliers :
- Planification : il est recommandé de programmer la grossesse pendant une période de stabilité
- Adaptation du traitement : certains médicaments doivent être évités pendant la grossesse
- Suivi rapproché : une surveillance accrue est nécessaire pendant la grossesse et le post-partum
- Soutien renforcé : l’aide de l’entourage est cruciale dans cette période
Il faut savoir que :
- La grossesse peut parfois avoir un effet stabilisateur sur l’humeur
- Le post-partum est une période à risque de décompensation qui nécessite une vigilance accrue
- L’allaitement est possible mais doit être discuté avec le psychiatre (certains médicaments passent dans le lait)
Avec un accompagnement adapté, de nombreuses femmes bipolaires vivent des grossesses et des maternités épanouies. La décision d’avoir un enfant doit être prise en concertation avec l’équipe médicale, mais ne doit pas être considérée comme impossible.
Idée reçue n°6 : Les personnes bipolaires sont instables et peu fiables
Cette idée reçue particulièrement stigmatisante laisse penser que les personnes atteintes de trouble bipolaire sont incapables d’être constantes et dignes de confiance.
La réalité :
Avec un traitement approprié et un bon suivi, la plupart des personnes bipolaires peuvent mener une vie stable et assumer leurs responsabilités de manière fiable. Il faut comprendre que :
- Les périodes de stabilité (euthymie) sont généralement plus longues que les épisodes thymiques
- Le traitement médicamenteux vise justement à réduire la fréquence et l’intensité des épisodes
- De nombreux patients développent une bonne connaissance de leur maladie et savent anticiper les rechutes
- Beaucoup mettent en place des stratégies d’adaptation efficaces au quotidien
Par ailleurs, le trouble bipolaire n’altère en rien les qualités morales ou la personnalité profonde d’un individu. Les personnes atteintes peuvent être :
- Loyales et dignes de confiance
- Travailleuses et impliquées dans leurs projets
- Créatives et sources d’idées innovantes
- Empathiques et attentives aux autres
Il est important de ne pas réduire une personne à sa maladie. Les personnes bipolaires ont des personnalités uniques et diverses, avec leurs forces et leurs faiblesses comme tout un chacun.
Idée reçue n°7 : La bipolarité ne se soigne pas
Cette idée pessimiste laisse penser que le trouble bipolaire est une fatalité contre laquelle on ne peut rien faire.
La réalité :
S’il est vrai que le trouble bipolaire est une maladie chronique qui ne se « guérit » pas à proprement parler, il existe aujourd’hui des traitements très efficaces pour le contrôler. La prise en charge repose sur plusieurs piliers :
- Médicaments régulateurs de l’humeur : lithium, anticonvulsivants, antipsychotiques atypiques…
- Psychothérapies spécifiques : thérapie cognitivo-comportementale, psychoéducation…
- Hygiène de vie adaptée : sommeil régulier, gestion du stress, activité physique…
- Suivi médical au long cours