Mythe : « Les éoliennes tuent massivement les oiseaux » — une idée répandue qui sert de levier aux débats publics et politiques. Beaucoup l’imaginent comme une hécatombe visible à l’œil nu, une mosaïque d’oiseaux fauchés au pied des mâts.
En réalité, la question est plus nuancée. Les études consolidées montrent une mortalité très variable selon les sites, des espèces plus touchées que d’autres, et des responsabilités partagées entre collisions directes et effets indirects (perte d’habitat, perturbation des corridors migratoires). La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) a compilé des centaines de suivis et souligne que, si le danger existe, il dépend surtout de l’implantation des parcs et des méthodes de suivi. Autrement dit : l’éolien peut être problématique, mais il n’est pas le premier coupable du déclin des populations d’oiseaux en Europe.
Ce texte décortique ce que l’on croit, pourquoi c’est incomplet ou faux, et ce que disent les données actuelles — avec des pistes concrètes pour concilier énergie renouvelable et conservation. Spoiler : la transition énergétique et la protection de la biodiversité ne sont pas ennemies ; elles demandent juste un peu de méthode (et moins de slogans).
- En bref :
- La mortalité liée aux éoliennes est hétérogène : de 0,3 à 18,3 oiseaux par turbine et par an selon les sites.
- Les migrateurs (surtout passereaux) représentent environ 60 % des cadavres retrouvés ; les rapaces 23 %.
- Les parcs proches des Zones de Protection Spéciale (ZPS/Natura 2000) présentent une mortalité au moins deux fois plus élevée.
- Des mesures simples (arrêt temporaire, détection, peinture de pale) montrent des réductions significatives de collisions.
- Autres causes majeures : pesticides, perte d’habitats, vitres, lignes électriques et chats — souvent plus dommageables que les éoliennes.
Les éoliennes et la mortalité des oiseaux : chiffres et réalité
La LPO a rassemblé et analysé 197 rapports couvrant 1 065 éoliennes réparties sur 142 parcs en France, ce qui permit d’obtenir une vision nationale inédite. Les prospections (près de 38 000 passages) ont permis de retrouver 1 102 cadavres : une base empirique solide mais aux limites méthodologiques (disparité des protocoles, suivi parfois mal calé sur les cycles biologiques).
En 2025, la France compte environ 6 000 éoliennes en exploitation. Selon les estimations consolidées, la mortalité moyenne varie fortement d’un parc à l’autre — de 0,3 à 18,3 oiseaux par machine et par an — avec une estimation réaliste souvent située autour de 6–7 oiseaux par éolienne dans certains suivis locaux. Les chiffres restent comparables aux études internationales (5,2 aux États‑Unis ; 8,2 au Canada), mais leur interprétation exige de regarder le détail site par site. Insight : le nombre brut n’explique rien sans le contexte géographique et écologique.

Pourquoi on croit que les éoliennes tuent massivement les oiseaux
L’image est frappante : une pale en mouvement, un oiseau qui heurte — le récit est simple et mémorisable. Les opposants à l’éolien exploitent souvent cette image pour parler de « massacre », ce qui fonctionne politiquement. Pourtant, la perception est biaisée par la visibilité des incidents et l’absence de mise en perspective avec d’autres causes de mortalité.
De plus, les parcs problématiques existent bel et bien : lorsqu’un parc est mal implanté (haltes migratoires, zones de rapaces, ZPS), la mortalité locale peut être élevée et concerner des espèces protégées. Insight : le problème n’est pas universel, il est spatial et spécifique.
Données détaillées : qui est touché et où ?
Les suivis montrent des tendances claires. Parmi les 1 102 cadavres retrouvés dans l’étude nationale de la LPO :
- ~60 % sont des passereaux migrateurs, souvent lors de la migration postnuptiale (ex. martinets, roitelets).
- ~23 % sont des rapaces diurnes, surtout pendant la nidification.
- 97 espèces recensées, dont 75 % protégées en France ; 10,2 % figurent à l’Annexe I de la Directive Oiseaux et 8,4 % sont sur la liste rouge française.
Les parcs implantés à moins de 1 000 m des ZPS (Natura 2000) enregistrent une mortalité au moins deux fois plus élevée. Les parcs anciens (mis en service avant 2004) sont souvent situés dans des espaces naturels et posent donc un défi particulier lors de leur renouvellement.
Insight : la proximité des zones protégées est un facteur de risque majeur — pas la turbine en soi.

Tableau synthétique des principaux indicateurs
| Indicateur | Valeur typique | Interprétation / insight |
|---|---|---|
| Mortalité par éolienne (min–max) | 0,3 – 18,3 oiseaux / machine / an | Forte variabilité selon site ; utile pour évaluer risque local |
| Part des migrateurs retrouvés | ~60 % | Migration nocturne majoritaire ; importance des études saisonnières |
| Rapaces parmi cadavres | ~23 % | Implication des zones de nidification et d’alimentation locales |
| Éoliennes en France (2025) | ~6 000 | Dimension nationale : renouvellement des parcs anciens crucial |
Insight : données nationales utiles, mais la décision se joue souvent à l’échelle locale.
Comparaison : les éoliennes face aux autres menaces pour la faune aviaire
L’éolien concentre l’attention, mais les causes majeures d’effondrement des populations d’oiseaux sont plus larges : pesticides, destruction d’habitats, fragmentation des milieux, collisions avec fenêtres et lignes électriques, voitures, et prédation par les chats. La RSPB et d’autres études internationales montrent des déclins massifs — des centaines de millions d’oiseaux disparus en Europe et des milliards en Amérique du Nord.
Pour relativiser : même si une éolienne génère quelques oiseaux morts par an, d’autres facteurs anthropiques tuent beaucoup plus et agissent à l’échelle des populations. Cela n’exonère pas les responsabilités de l’éolien, mais oriente les priorités d’action.
Insight : penser globalement, agir localement — la bonne politique environnementale combine réduction des pesticides, restauration des habitats et meilleurs choix d’implantation des parcs.

Solutions techniques et recommandations pratiques
La LPO préconise quatre mesures prioritaires : élaboration d’un protocole de suivi national, prise en compte renforcée des migrateurs nocturnes, préservation des secteurs vitaux pour les rapaces, et refus d’implantation à l’intérieur ou à proximité des ZPS. Ces recommandations doivent accompagner le renouvellement des parcs anciens.
Des techniques concrètes réduisent déjà la mortalité : arrêt ciblé des turbines en période sensible, radars et détecteurs pour effaroucher ou stopper les machines, et une astuce surprenante — repeindre une pale en noir — qui a montré jusqu’à 70 % de réduction des collisions dans des essais norvégiens.
Pour qui décide d’un projet, les outils d’évaluation sont nombreux : suivis par baguage, radars, acoustique, et études d’impact combinées à la planification spatiale. Pour mieux comprendre les enjeux économiques liés à ces choix, on peut consulter des ressources sur le prix d’une éolienne et sur la rentabilité environnementale du parc via l’article sur éolien rentable et environnement.
Insight : les solutions existent et sont souvent simples ; il suffit d’appliquer la bonne science au bon endroit.
Cas pratique : la commune fictive de Moulin‑sur‑Vent face à un projet de parc
Moulin‑sur‑Vent, village agricole traversé par une importante voie migratoire, reçoit un projet de huit éoliennes. L’opérateur propose une étude d’impact sommaire, mais les naturalistes alertent : présence d’un site de nidification pour un rapace protégé et haltes migratoires nocturnes.
Scénarios possibles : 1) Validation du projet sans modifications -> risque élevé de mortalité locale et contestation judiciaire ; 2) Déplacement des machines hors corridor migratoire et intégration de mesures d’arrêt automatique -> réduction importante du risque ; 3) Refus et réorientation vers un site industriel déjà artificialisé -> compromis biodiversité/production. La meilleure stratégie combine planification spatiale, mesures techniques et dialogue avec la population.
Pour aller plus loin sur les avantages et inconvénients à peser, lire l’analyse des avantages et inconvénients et la synthèse sur le fonctionnement des éoliennes, utiles pour comprendre les arbitrages locaux.
Insight : la planification préventive économise du temps, de l’argent et des oiseaux.

Mesures pratiques pour décideurs et citoyens
Quelques actions immédiates et efficaces :
- Mener des études migratoires saisonnières et nocturnes avant toute autorisation.
- Éviter l’implantation dans les ZPS et dans les secteurs de nidification recensés.
- Installer systèmes de détection et procédures d’arrêt temporaires des turbines.
- Mettre en place un protocole de suivi standardisé et public pour tous les parcs.
- Soutenir des actions contre les causes majeures de déclin (réduction des pesticides, restauration d’habitats).
Pour ceux qui s’interrogent sur l’autonomie et l’échelle domestique, des ressources pratiques existent, par exemple sur autosuffisance énergétique. Insight : les bonnes décisions combinent science, technique et démocratie locale.

Les éoliennes sont‑elles la principale cause de mortalité des oiseaux en France ?
Non. Les éoliennes causent des collisions mais, à l’échelle nationale, beaucoup d’autres facteurs (pesticides, perte d’habitats, collisions avec bâtiments et lignes électriques, prédation par les chats) ont un impact souvent supérieur sur les populations. Les chiffres montrent une variabilité locale forte, d’où la nécessité d’une évaluation site par site.
Quelles espèces sont les plus touchées par les éoliennes ?
Les passereaux migrateurs représentent environ 60 % des cadavres retrouvés, les rapaces diurnes environ 23 %. Certaines espèces protégées et inscrites à l’Annexe I sont parmi les victimes, d’où l’importance d’éviter les zones de nidification et les haltes migratoires.
Peut‑on réduire la mortalité aviaire liée aux éoliennes ?
Oui. Des mesures telles que l’arrêt ciblé des turbines, l’utilisation de radars et détecteurs, des techniques d’effarouchement, et même la peinture d’une pale en noir ont montré des réductions significatives de collisions. Une planification spatiale évitant les ZPS est également cruciale.
Que recommande la LPO pour limiter l’impact des parcs éoliens ?
La LPO propose quatre axes : un protocole de suivi national robuste, prise en compte des migrateurs nocturnes, préservation des espaces vitaux des rapaces, et refus d’implantation dans ou à proximité des ZPS. Ces mesures doivent accompagner le renouvellement des parcs anciens.
Faut‑il arrêter le développement de l’éolien pour protéger les oiseaux ?
Non. Il faut mieux planifier et adapter les projets. L’éolien reste une énergie renouvelable essentielle pour lutter contre le changement climatique — lui‑même une menace majeure pour la biodiversité. L’objectif est d’articuler transition énergétique et conservation, pas de les opposer.
Pour approfondir : une analyse détaillée rassemble études et recommandations, tandis qu’un panorama sur la rentabilité et l’impact environnemental aide à saisir les compromis économiques. Pour les curieux d’histoires improbables et de contextes larges, voir aussi l’article sur le métal le plus rare (parce que la culture générale n’est pas hors sujet).
